1 PRÉSENTATION
Berbères, populations d’Afrique du Nord et du Sahara parlant l’un des trois à quatre mille idiomes se rattachant à la langue berbère.
2 LANGUES ET PEUPLES BERBÈRES
L’aire des parlers berbères et des langues apparentées s’étend de l’oasis de Siwa (désert occidental égyptien) aux îles Canaries — où le guanche parlé autrefois peut être identifié au berbère — jusqu’aux massifs du Sahara central. La communauté linguistique ainsi formée rassemble plus de douze millions de locuteurs, issus d’ethnies différentes et habitant divers pays : Maroc et Algérie (Kabylie) surtout, Niger et Mali (Sahel et Sahara des Touareg) également, Tunisie, Libye et Égypte dans une moindre mesure.
La langue berbère demeure une énigme, tant ses origines sont difficiles à établir avec certitude. L’une des hypothèses les plus étudiées la rattache à la branche chamito-sémitique. Sans support écrit — l’existence d’un alphabet propre est attestée dès l’Antiquité, mais l’écriture berbère disparaît avec la colonisation romaine — le berbère a éclaté en plusieurs milliers de parlers locaux. Si les populations berbères possèdent une tradition orale riche et vivace, elles sont victimes des politiques d’arabisation menées dans les pays d’Afrique du Nord après l’indépendance et de la volonté de ces pays de s’inscrire dans le panarabisme. Aussi la langue est-elle devenue le fondement de la culture berbère et l’une des principales revendications des mouvements identitaires berbères nés dans les années 1980-1990.
Convertis à l’islam dès la première invasion arabe, au VIIe siècle, les Berbères sont majoritairement sunnites de rite malékite. Leurs coutumes comportent cependant de nombreux éléments pré-musulmans. Leur habitat actuel, dans les montagnes, sur les hauts plateaux et dans les zones arides, reflète les combats et les refus qu’ils ont opposés à l’arabisation. Ils habitent dans de gros villages fortifiés (casbahs berbères) ou vivent dans des tentes, sur le modèle arabe s’ils sont nomades, spécifiques chez les Touareg. Les Berbères ont une tradition artisanale riche — sculpture du bois, poteries peintes, tapis de laine, bijoux d’argent et articles de cuir —, où dominent les motifs géométriques.
3 HISTOIRE
3.1 La plus ancienne communauté d’Afrique du Nord
Les Berbères constituent la plus ancienne des communautés d’Afrique du Nord et plusieurs traits de leur civilisation sont en continuité avec ceux des cultures préhistoriques.
Ils occupent la côte d’Afrique du Nord, entre l’Égypte et l’océan Atlantique, et participent aux civilisations carthaginoise, romaine et byzantine — plusieurs des grandes figures de ces civilisations (Hannibal, Marc Aurèle, saint Augustin) avaient des origines berbères. Si les Berbères romanisés installés dans les cités et dans les plaines littorales accueillent favorablement les premiers conquérants musulmans au VIIe siècle apr. J.-C., les Berbères réfugiés dans les montagnes leur opposent une résistance farouche sous la direction de la Kahena, une reine berbère convertie au judaïsme, religion qui a fait de nombreux adeptes depuis l’époque romaine. Après la conquête arabe, les Berbères adoptent lentement la foi musulmane de leurs conquérants, mais beaucoup, opposés aux pouvoirs installés sur le littoral, ont des idéologies dissidentes comme le karidjisme (ou ibadisme), se réfugiant dans des oasis du Sahara (Mzab) ou des montagnes (djebel Nefousa). En Mauritanie, l’arrivée de nomades arabophones à partir du XIIe siècle aboutit à la mise en place d’une société partagée entre Berbères, plutôt versés dans le commerce et les sciences religieuses, et tribus guerrières d’origine arabe.
3.2 La résistance berbère aux colonisations
La France et l’Espagne conquièrent le Maroc et l'Algérie à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, mais les Berbères leur opposent une vive résistance, notamment dans le Rif, sous la conduite d’Abd el-Krim (1920-1926), et dans le sud du Maroc. Pour contrer le nationalisme arabe, la France inaugure une politique berbère visant à élargir le clivage avec les populations arabophones des plaines et des villes.
Ainsi, au Maroc, en 1953, les Français envoient en exil le sultan Mohammed V. Par la suite, le sentiment nationaliste finit par se renforcer aussi bien chez les Arabes que chez les Berbères du Maroc et la perte de l’appui berbère contribue au retour d’exil de Mohammed V en 1955 et à l’indépendance au Maroc en 1956.
En Algérie, la guerre d’indépendance est soutenue aussi bien par les Berbères que par les Arabes jusqu’à l’indépendance du pays en 1962.
3.3 La lutte contre l’arabisation
L’indépendance des pays d’Afrique du Nord, qui s’est manifestée par une volonté d’arabisation dirigée contre l’ancienne culture du colonisateur, a touché les populations de langues berbères ; leur langue a été interdite à la radio, ainsi que son enseignement dans les écoles. En Algérie, cette volonté d’arabisation, liée à la montée de l’islamisme, a provoqué de violentes manifestations et une forte revendication culturelle, qui ont abouti en 2002 à la consécration constitutionnelle de la langue berbère en langue nationale. Depuis 1996, la Constitution algérienne reconnaît en outre l’identité berbère comme l’une des trois composantes fondamentales de l’identité nationale, à côté de l’arabité et de l’islamité.