Hutu

 

Hutu, population de langue bantoue habitant le Rwanda et le Burundi, dans la région interlacustre de l’Afrique centrale.

Les traces de métallurgie du fer mises au jour dans la région permettent d’établir que les premiers agriculteurs bantous, en provenance du bassin du Congo, étaient installés dans la région, dont l’environnement était propice à l’établissement humain, au IIIe siècle de notre ère. Lorsque les Tutsi s’établirent à leur tour dans les collines de l’est du Rwanda, entre le Xe et le XVe siècle, les Hutu avaient formé de petits royaumes.

L’image — déformée — habituellement donnée de la société qui s’élabora alors montre les Hutu placés dans une situation de dépendance et de soumission totale à l’égard des Tutsi, seuls détenteurs du pouvoir et de la richesse. Le système politico-religieux extrêmement hiérarchisé qui fondait le royaume tutsi au Rwanda était en fait moins rigide : parmi les chefs qui, sous l’autorité suprême du mwami (roi) tutsi, géraient les affaires, les chefs de sol étaient le plus souvent choisis parmi les Hutu de même que les chefs d’armée pouvaient également être hutu. Et les mariages mixtes étaient relativement fréquents. Au Burundi, dans le royaume baganwa, la souplesse du système était plus grande encore. Si l’on considère la masse de la population, Tutsi et Hutu partageaient le même sort, vivant les uns et les autres de l’agriculture comme de l’élevage. Ils parlaient la même langue, le kinyarwanda ou le kirundi, et avaient la même religion, le roi étant l’image d’Imama, le dieu suprême.

La politique menée par les colonisateurs européens, allemands d’abord, puis belges après la Première Guerre mondiale, allait dresser la majorité hutu (85 p. 100 environ dans chacun des deux pays) contre la minorité tutsi. L’administration coloniale, en effet, s’appuya, pour assurer son pouvoir, sur l’aristocratie tutsi et figea les rôles de chacun au nom d’analyses ethnologiques rapides. En 1926, les fonctions de chef devinrent ainsi héréditaires. En 1934 et 1935, l’administration coloniale procéda à un recensement de la population du Rwanda-Urundi et délivra des livrets d’identité sur lesquels devait figurer obligatoirement l’appartenance « ethnique ».

Les clivages ainsi institutionnalisés se renforcèrent encore au Rwanda dans les années 1950. Après la mort mystérieuse, en 1959, du mwami Mutara, qui s’était fait le porte-parole des aspirations indépendantistes de son peuple, éclata le premier conflit meurtrier entre Hutu et Tutsi. L’Église catholique, puissance incontournable au « pays des mille collines », prit alors fait et cause pour la majorité hutu. L’administration coloniale favorisa désormais les Hutu. En février 1961, la monarchie était abolie par un référendum, la république proclamée. Le régime serait désormais dominé par les Hutu jusqu’à la guerre civile de 1994-1995. La fin de la monarchie au Rwanda eut d’importantes répercussions au Burundi, où affluèrent les Tutsi rwandais. Spoliés de leurs terres, exclus du pouvoir, ils contribuèrent au raidissement du pouvoir tutsi burundais. L’Union pour le progrès national (Uprona), parti unique, rassemblait pourtant à l’origine Tutsi et Hutu. En 1966, fut institué un régime militaire républicain qui maintint la domination tutsi sur les Hutu jusqu’en 1992, date à laquelle le pouvoir fut partagé entre l’Uprona et le Frodébu (Front pour la démocratie au Burundi), à dominante hutu. Mais les affrontements intercommunautaires continuent depuis lors à déchirer le Burundi. Au Rwanda, les Hutu au pouvoir se livrèrent, en 1994, à un véritable génocide sur les Tutsi (et les Hutu modérés). Poussés à l’exode puis à l’exil au Zaïre par la victoire des Tutsi du Front populaire rwandais (FPR), nombre d’entre eux furent à leur tour massacrés en 1996-1997, dans l’est du Zaïre, par les forces de Laurent-Désiré Kabila, soutenus par l’armée rwandaise et par son encadrement tutsi.