Krio

 

Krio, population de la Sierra Leone constituée des descendants des esclaves libérés par les Britanniques au XIXe siècle.

Les Krio (ou Créoles) parlent le krio, un créole composé d’anglais et de langues locales et devenu la langue véhiculaire du pays où cohabitent d’autres peuples, principalement les Temne et les Mende. Le krio condense l’histoire de cette ancienne colonie créée en 1787 par des philanthropes britanniques pour accueillir des esclaves de Nouvelle-Écosse et des Antilles.

Les quelque deux mille esclaves libérés des plantations du Nouveau Monde sont rejoints durant le XIXe siècle par des captifs des navires esclavagistes arraisonnés après l’interdiction de la traite. Installés dans la presqu’île actuelle de Freetown, ces anciens esclaves, issus d’une centaine de communautés différentes, se regroupent dans des quartiers spécifiques, apparemment en bonne harmonie. Coupés de leurs traditions et de leurs villages, ils finissent par former une communauté cherchant à se démarquer des populations locales par des modes de vie urbains et la pratique d’un anglais influencé par toutes les langues parlées dans le golfe de Guinée. Composés essentiellement d’individus nés en Afrique, les Krio se démarquent des Américano-Libériens du Liberia voisin, descendants d’anciens esclaves américains qui ont gardé un contact étroit avec les États-Unis. Choisis comme petits fonctionnaires par les Britanniques, les Krio s’établissent aussi comme commerçants à Freetown même et dans l’intérieur du pays.

À la fin du XIXe siècle, l’équilibre démographique tournant à l’avantage des populations d’origine (Temne, Mende, Peul), l’Angleterre institue une taxe discriminatoire pour ces dernières, créant de ce fait un profond fossé entre elles et les Krio. Arrivés après la Première Guerre mondiale, les marchands libanais écartent les Krio des circuits de distribution au profit des « autochtones » plus souples. Dans les années cinquante, les Krio se partagent entre ceux qui refusent de rompre avec la Grande-Bretagne et les libéraux partisans de couper les liens avec la Couronne.

À l’indépendance (1961), les Krio appuient le Premier ministre Milton Margaï, mais son fils, qui le remplace en 1964, fait entrer en masse les Mende dans l’administration. Trois ans plus tard, les Krio donnent leurs suffrages à l’opposition, qui remporte les élections, mais un coup d’État militaire porte au pouvoir un Mende, Siaka Stevens. La Sierra Leone connaît ensuite une vie politique agitée qui marginalise encore plus les Krio, y compris durant la dernière guerre civile de 1998-1999 qui voit déferler sur Freetown les combattants du Front révolutionnaire uni (RUF), issus des villages de la brousse.