Rwanda

 

1 PRÉSENTATION

 

Rwanda (peuple) (de Banyarwanda, les « gens du Rwanda »), peuple vivant au Rwanda et dans le Masisi, une zone de collines au sud de la province du Kivu, dans la République démocratique du Congo.

Conséquence des problèmes politiques nés au moment de l’indépendance en 1960, des Rwanda, réfugiés ou non, vivent aussi aux frontières des pays voisins (Ouganda, Tanzanie, Burundi). Pour cette même raison, il existe une diaspora rwandaise dans d’autres pays d’Afrique. Le Burundi, pays voisin habité par les Rundi, ou Barundi, et dont la langue est le kirundi, présente des structures sociales similaires.

Les traces de métallurgie du fer mises au jour dans la région ont permis d’établir que les premiers agriculteurs bantous, en provenance du bassin du Congo, se sont installés dans la région au IIIe siècle de notre ère. Lorsque les Tutsi s’établissent à leur tour dans les collines de l’est du Rwanda, entre le Xe et le XVe siècle, les Hutu ont déjà formé de petits royaumes. Vers le XVIIe siècle, un royaume gouverné par les Tutsi se développe sur la plus grande partie du territoire de l’actuel Rwanda (à l’exception du sud-ouest).

Aujourd’hui, les structures de ces sociétés ne sont plus celles qui prévalaient aux époques coloniales et précoloniales ; cependant, les événements actuels y trouvent leur origine. La société est organisée en clans patrilinéaires non exogames. Les villages au sens strict sont plutôt rares, et la population est éparpillée sur des « collines » qui constituent l’unité territoriale et sociale, sous l’autorité d’un chef de lignage.

 

2 LA SOCIÉTÉ RWANDA TRADITIONNELLE

 

La société rwanda traditionnelle, divisée en classes sociales hiérarchisées avec division des tâches, est une organisation féodale composée généralement de pasteurs (Tutsi), d’agriculteurs (Hutu) et de Pygmées (Twa), ces derniers accomplissant certaines tâches spécifiques (poterie, chasse). Le système politico-religieux est extrêmement hiérarchisé : le roi ou mwami, image du dieu suprême Imama, est entouré d’une aristocratie tutsi qui fonde son pouvoir sur la possession du bétail.

Cette hiérarchisation héréditaire n’empêche pas des alliances matrimoniales, ni l’appartenance à une même association traditionnelle, comme celle de Ryangombé, qui fait de ce chasseur mythique un ancêtre fondateur sous l’égide des génies de la forêt. L’organisation politique, économique et sociale est régie par le système de l’ubuhake, dans lequel le possesseur du bétail donne un animal (une vache) en usufruit (sauf les veaux) à un agriculteur en échange de produits agricoles. L’ubuhake lie ainsi deux personnes entre elles (« patron » et « client »). Toutefois, le pouvoir du bailleur (généralement un Tutsi) se doublant aussi de celui du pouvoir militaire, la masse des agriculteurs se voit écartée des responsabilités essentielles qui restent entre les mains des grands clans tutsi.

Parmi les chefs qui, sous l’autorité suprême du mwami tutsi, gèrent les affaires, les chefs des terres sont souvent des Hutu, et certains peuvent être chefs d’armée. Mais le pouvoir politique reste de toute façon aux mains des Tutsi.

 

3 LA PÉRIODE MODERNE

 

La politique de gouvernement indirect menée par les colonisateurs européens, allemands à l’origine, puis belges après la Première Guerre mondiale, s’appuie tout naturellement sur l’aristocratie tutsi et fige les rôles de chacun selon un modèle ethnique destiné à faciliter le classement administratif des populations, comme partout ailleurs en Afrique. En 1926, les fonctions de chef deviennent héréditaires. En 1934 et 1935, l’administration coloniale procède à un recensement de la population du Ruanda-Urundi (l’entité coloniale) et délivre des livrets d’identité sur lesquels doivent figurer l’appartenance « ethnique ».

Les clivages ainsi institutionnalisés se renforcent encore au Rwanda dans les années cinquante. Après la mort, en 1959, du mwami Mutara, éclate un premier conflit meurtrier entre Hutu revendiquant la république et un partage démocratique du pouvoir et Tutsi partisans de l’indépendance immédiate qui leur permettrait de préserver le statu quo. L’Église catholique, puissance incontournable au « pays des mille collines », prend alors fait et cause pour la majorité hutu, suivie par l’administration coloniale consciente que la démographie joue en faveur des Hutu. La tentative des clans extrémistes tutsi d’imposer un nouveau mwami et l’assassinat d’un chef de colline hutu entraînent une série de massacres contre les Tutsi, dont beaucoup doivent s’enfuir dans les pays voisins.

En février 1961, la monarchie est abolie par référendum et la république proclamée. Le pays est désormais gouverné par les Hutu, avec un président civil hutu, Grégoire Kaybanda, ancien secrétaire de l’archevêque du Rwanda, renversé en 1973 par le coup d’État du général Habyarimana, et ce jusqu’à la guerre civile de 1994-1995. La fin de la monarchie au Rwanda a d’importantes répercussions au Burundi, où les Tutsi rwandais réfugiés contribuent au durcissement du pouvoir tutsi burundais (assassinat du Premier ministre hutu Pierre N’Gendandunwe en 1964). Dans ce pays plus ouvert sur le monde extérieur en raison de son port, Bujumbura, l’Union pour le progrès national (Uprona), parti unique, rassemble Tutsi et Hutu. En 1966, un coup d’État militaire supprime la monarchie et établit la domination tutsi totale sur les Hutu jusqu’en 1992, date à laquelle le vent de démocratisation qui souffle alors sur l’Afrique débouche sur un partage du pouvoir entre l’Uprona et le Frodébu (Front pour la démocratie au Burundi), à dominante hutu, sans pour autant toucher l’armée qui reste entre les mains des Tutsi (massacre de plus de 200 000 Hutu en 1972).

En 1993, l’assassinat par des militaires tutsi du président hutu du Burundi Melchior Ndadaye attise encore plus les violences. Au Rwanda, en 1994, l’offensive du Front patriotique rwandais (FPR), marquée, dans le Nord, par le massacre de plusieurs dizaines de milliers de Hutu, et la mort dans un attentat, dont l’origine est mystérieuse, des présidents hutu Habyarimana, du Rwanda, et Ntaryamira, du Burundi, dégénèrent en un génocide des Tutsi et des Hutu modérés (entre un demi-million et un million de morts). Poussés à l’exode, puis à l’exil au Zaïre par la victoire des Tutsi du FPR, près de 300 000 Hutu sont à leur tour massacrés en 1996-1997, dans l’est du Zaïre, par les forces de Laurent-Désiré Kabila, soutenues par l’armée rwandaise et par son encadrement tutsi.