Swahili

 

1 PRÉSENTATION

 

Swahili, population d'Afrique orientale parlant le swahili (ou kiswahili), une langue de structure bantoue née à Zanzibar, issue du dialecte local et constituée de mots utilisés par toutes les communautés commerçantes de l'océan Indien (arabe, indien, langues africaines, anglais, français, etc.).

Les Swahili, ou « gens du Sahel » (« le rivage » en arabe), étaient à l’origine des commerçants métissés d'Africains, d'Arabes et d'Indiens établis dans les comptoirs côtiers et sur les routes menant à la région des grands lacs. Le brassage de populations nées du commerce avec le golfe Arabo-Persique et l'Inde depuis l'aube de notre ère a donné naissance à une civilisation originale fondée essentiellement sur le commerce et sur l’existence de nombreuses cités marchandes comme Mogadiscio, Mombasa, Zanzibar, Kilwa et Sofala, véritable Méditerranée d'Orient dont le Portugal de Vasco de Gama s'est emparé au XVIe siècle. Aujourd'hui, le kiswahili, parlé de Djibouti au Mozambique et jusqu'à Kinshasa, est la langue officielle de la Tanzanie et la grande langue véhiculaire de l'Afrique.

 

2 L'ARRIVÉE DES CHIRAZI (OU SHIRAZI)

 

Utilisés par les riverains de la mer d'Oman (Indiens et Arabes) depuis l'Antiquité, les vents de la mousson indienne ont poussé le long des côtes d'Afrique orientale des commerçants en quête de produits africains (aromates de la Corne de l'Afrique, ivoire, peaux d'animaux et animaux eux-mêmes), ainsi que des esclaves qui ont été envoyés jusqu'en Chine. Aujourd'hui encore, il existe un commerce régional important fournissant à la péninsule arabique du bétail sur pied et des chameaux en provenance de Somalie. Leurs navires (dhows, sambucks, booms, ganjas, kotias), faits de planches attachées par des liens végétaux et calfatées au bitume du golfe Persique, sont connus sous le nom générique de boutres et leurs techniques de construction empruntent autant à celles des bateaux de l'Euphrate qu'à celles de l'Indus.

Dès le IXe siècle, la côte orientale de l'Afrique est touchée par le commerce musulman et l'océan Indien occidental devient une zone économique prospère. L'apport décisif est l'arrivée, au Xe siècle, de réfugiés persans de la ville de Chiraz (Perse), fuyant des persécutions religieuses. Sur une île proche de la côte méridionale de la Tanzanie, ils fondent la ville-comptoir de Kilwa. La civilisation chirazi rayonne bientôt sur toute la région, mélangeant influences indiennes, persanes, arabes et africaines dans l'architecture (portes sculptées, mosquées à coupoles, bains) et jusque dans la cuisine, où les épices de Ceylan côtoient celles des côtes du Malabar (Inde).

 

3 L'EXTENSION DU COMMERCE SWAHILI

 

La religion de ces communautés faites pour les échanges est un islam modéré d'origine chiite réunissant shaféites, ibadites, chiites duodécimains et par la suite ismaéliens. Sur les côtes et dans les îles, la fascination pour ce genre de vie et les nombreux métissages font émerger une population liée économiquement et culturellement avec cette aristocratie marchande. Cette activité économique sombre au début du XVIe siècle avec la destruction de Kilwa par Vasco de Gama. Elle reprend au début du XIXe siècle lorsque le sultan d'Oman transfère sa capitale à Zanzibar, transformée en production de clous de girofle à l'instigation des Britanniques.

Au XIXe siècle, alors que les Chirazi ne sont plus qu'un souvenir prestigieux, l'océan Indien devient la chasse gardée de l'Empire britannique. Sur le continent, des commerçants swahili en liaison avec Zanzibar ouvrent des routes commerciales pour accéder à l'Afrique centrale (création du comptoir d'Ujiji au bord du lac Tanganyika vers 1830). L’argent du commerce de l'ivoire à destination de l'Europe permet d'acheter des fusils ; des aventuriers créent des principautés commerciales autonomes (Msiri, Tippo Tip), s'adonnant également à la traite pour fournir des esclaves à Zanzibar.

 

4 LES SWAHILI ET LE PANAFRICANISME

 

La nécessité pour les aventuriers et pour les personnes déplacées et leur descendance d'utiliser une langue commune favorise la pratique du swahili et l'essor de la population qui le parle et qui finit par adopter les coutumes des habitants de la côte. Les Swahili ne constituent pas un bloc homogène car ces locuteurs restent influencés par leurs origines culturelles et la langue reste en perpétuel renouvellement. Comme pour le monde arabe, le monde swahili constitue plutôt une civilisation, un ensemble de références communes (une aptitude aux échanges ; un islam plus ou moins pratiqué, mais considéré comme une forme de modernité). À l'indépendance, le choix par la Tanzanie de faire du swahili la langue nationale enseignée à l'école primaire accentue sa diffusion dans les médias modernes. Des films sont sous-titrés en swahili et la littérature en swahili (journaux, édition) en fait la première des langues africaines écrites qui ne peut se prévaloir d'une origine purement régionale. Son usage de plus en plus généralisé en fait la langue commune à une grande partie de l'Afrique au sud de l'équateur et répond au souhait des promoteurs du panafricanisme.