Toubou, terme employé par les Kanouri du lac Tchad pour désigner les Teda et les Daza, nomades noirs du Tchad habitant les régions arides et parlant des dialectes différents.
Si les Bideyat (regroupés autour de l’Ennedi) et les Zaghawa (implantés au sud de l’Ennedi), qui vivent au contact des Daza, ne sont pas considérés comme tels en raison de leur langue et de leurs coutumes plus méridionales, ils font néanmoins partie du même contexte géopolitique. Les événements qui ont ensanglanté le Tchad sont étroitement liés à l’histoire et aux rapports régissant les différents groupes habitant la région.
Pour Jean Chapelle, qui a longuement étudié les Toubou, « on pourrait considérer, dans l’ensemble, le Teda type comme un éleveur de chameaux axé économiquement vers les palmeraies du Nord, et le Daza type comme un éleveur de vaches, axé vers le Sud, et les pays de culture du mil. Mais il y a des exceptions très importantes et la situation est en réalité beaucoup plus complexe » (les Nomades noirs du Sahara, 1957). Vivant dans les montagnes du Tibesti dans des conditions difficiles, les Teda seraient environ 150 000, tandis que les Daza, qui sont plus ou moins associés à des populations voisines seraient quatre fois plus nombreux. Des gens de caste vivent parmi eux et participent de la même culture, mais dans un ordre hiérarchisé assez strict. Du fait de leur utilité, ils sont épargnés dans les combats qui régissent les rapports de ces sociétés guerrières. On les appelle gondoba chez les Teda, et azza chez les Daza. Ils regroupent les chasseurs et les artisans (forgerons, tanneurs, potières, et les femmes qui fabriquent les vanneries), dont les activités sont plus salissantes et moins nobles que l’élevage. Les kamadja sont les agriculteurs des oasis, descendant, comme les tiyeni, des bodera, captifs domestiques remplissant les tâches ingrates.
De filiation patrilinéaire, les Toubou sont divisés en clans. Ils reconnaissent l’autorité lointaine d’un chef traditionnel (le derdé ou derdeï pour les Teda), mais conservent une indépendance souveraine. La recherche d’un pâturage pour leurs bêtes (chameaux et chèvres) ou de nourriture pour eux-mêmes les a souvent conduits à lancer des razzias contre les oasis. Jamais soumis, les Teda du Tibesti dominaient autrefois le Fezzan, et même l’oasis de Koufra, en Libye, qui restent leurs principaux marchés. Ils se sont alliés aux adeptes du mouvement nationaliste et religieux de la confrérie Senoussya (originaire de Koufra) pour s’opposer aux colonisations italienne et française ; aussi le nord du Tchad (Borkou, Ennedi, Tibesti ou BET) est-il resté pratiquement en semi-dissidence et sous régime militaire durant la présence française.
Dans les années soixante, la volonté d’indépendance des Toubou resurgit contre le gouvernement central de Ndjamena (le Frolinat, Front de libération nationale du Tchad, est fondé en 1966), attisée par la Libye qui cherche à annexer la bande frontalière d’Aozou, mal délimitée durant l’époque coloniale. Une première rébellion a lieu au sein des Daza sous la direction d’Hissène Habré ; elle est relayée par une alliance déguisée entre Goukouni Oueddeï, fils du derdé des Teda du Tibesti, avec la Libye du colonel Kadhafi (1979). Jouant la carte nationaliste, Hissène Habré entreprend d’évincer Goukouni Oueddeï du pouvoir dans la capitale, puis de chasser la Libye en portant la guerre au-delà des frontières. En 1990, le leader daza est chassé par son commandant en chef, Idriss Déby, un Zaghawa qui s’emploie, à son tour, à réduire les rébellions.